Retraites et crise constitutionnelle : Le point de vue des dinosaures de la droite républicaine

Henri Guaino et Jean Louis Debré ont été longuement interviewés sur BFMTV et à vrai dire on en arriverait presque à regretter notre ancienne classe politique dirigeante après avoir passé tant d’années à les combattre.

Henri Guaino : « Quand un gouvernement a trois quarts des Français contre lui sur un projet, la meilleure chose qu’il a à faire, c’est de reculer ».

Membre des Républicains ( après avoir été membre de l’UMP), il est conseiller spécial du président de la République Nicolas Sarkozy du 16 mai 2007 au 15 mai 2012, il est notamment l’auteur de ses principaux discours pendant tout le quinquennat. Il est ensuite élu député dans la 3e circonscription des Yvelines en 2012. Membre de la Cour des comptes avant et après ces fonctions politiques.

Voici un verbatim partiel des propos qu’il a tenus lors de cette interview

« Quand un gouvernement a trois quarts des Français contre lui sur un projet, la meilleure chose qu’il a à faire, c’est de reculer…
Ce n’est pas honteux, tous les présidents de la 5ème république l’ont fait :De Gaulle en 1958 et 1963 en 1968 2 fois…. comme les ouvriers n’acceptent pas le premier accord, on recommence
Mitterrand sur l’école libre.
Chirac après le plan juppé en 1995 puis sur le CPE de Villepin
Le problème c’est apprécier la limite du consentement, il ne suffit pas d’être élu, d’avoir une fonction qui vous confère une autorité, la légitimité est conférée par les gens sur lesquels elle s’exerce.
quand le gouvernement franchit la limite du consentement…par erreur de jugement ou par obstination… alors on prend un risque considérable. »

Pauline Simonet :  » en 2010 aussi il y a eu des manifestations et pourtant c’est passé, en quoi la situation était-elle différente? »
« le dialogue n’a jamais été interrompu avec les partenaires sociaux, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui » il revient sur le consentement en parlant des portiques pour les poids lourds,
la loi avait été voté à l’unanimité au parlement, des investissements importants avaient été faits pour les portiques de contrôle, il y a eu les bonnets rouges, face au risque de révolte fiscale ,
le gouvernement a réculé, « aujourd’hui, il n’y a pas d’autre solution qu’un recul, ça n’est pas une marque de faiblesse, au contraire c’est la seule façon de raffermir l’autorité présidentielle, le président est là pour garantir le bon fonctionnement des institutions, son rôle est de garder la nation unie. »
On ne gouverne pas de la même façon ( comme à l’époque de Chirac ou Sarkozy) une société au bord de la rupture ( il explique pourquoi aujoud’hui on est au bord de la rupture avant même ce projet de réforme).
L’urgence c’est d’éviter que le mouvement s’emballe et sombre dans la violence ou si le mouvement s’essouffle parce que les gens sont résignés, il en restera de toutes façons une colère rentrée, une rancoeur qui rendra extrêmement difficile de gouverner le pays.
Il faut se souvenir qu’entre 95 et 96 ( après les grèves contre la loi Juppé ) le pays était ingouvernable pendant 1 an jusqu’à la dissolution, aujourd’hui même avec une dissolution ce sera ingouvernable, il ne reste que le recul ou le référendum.
Quand on mêle la responsabilité politique et l’orgueil on va au pire, l’orgueil personnel n’a rien à faire dans le gouvernement d’une nation.

En résistant comme il ( Macron) le fait, il perd sa légitimité.
Ne pas voter la censure ça veut dire qu’on n’est pas dans l’opposition , c’est la logique parlementaire.
c’est pas la première fois qu’il y a de la violence dans l’hémicycle, c’était souvent plus féroce mais fait de façon plus présentable, vous pouviez entendre des choses dans l’hémicycle comme « Mort aux juifs » quand Mendes-France parlait. Ce n’est pas à cause des propos de la NUPES dans l’hémicycle que les gens sont dans la rue.
Les gens qui jettent des pavés dans la tête des policiers ne sont quand même pas des députés de la NUPES

entretien en intégralité

Jean Louis Debré : « Le monde politique est décrédibilisé »

Il était l’un des porte-paroles lors de la campagne pour l’élection présidentielle de Jacques Chirac. Ministre de l’Intérieur de 1995 à 1997 ( Juppé I et Juppé II) et président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2007. Au perchoir, Jean-Louis Debré gagne la réputation d’un « partisan rigoureux des droits de l’opposition », estimé bien au-delà de son seul camp politique. Après la victoire de Jacques Chirac le 17 mai 1995, Jean-Louis Debré est nommé ministre de l’Intérieur. Il continue à voir directement et régulièrement Jacques Chirac, sans passer par le secrétaire général de l’Élysée Dominique de Villepin ou son Premier ministre Alain Juppé, au grand dam de ces derniers.
Il préside le Conseil constitutionnel de 2007 à 2016 puis le Conseil supérieur des archives depuis cette dernière année. Jean-Louis Debré est le fils de Michel Debré ( l’un des rédacteurs de la constitution de la 5ème république).

Voici un verbatim partiel des propos qu’il a tenus lors de cette interview

Je suis inquiet pour 2 choses, le retour de la violence et la décrédibilisation du politique, les deux vont ensemble
On ne croit plus au politique ils ont donné le sentiment de ne plus être en contact avec l’opinion publique.. c’est un monde à part qui joue son propre jeu, les gens se disent ça ne va pas on est en plein crise et vers qui on va se tourner
Je suis très frappé il y a une polarisation sur Macron, la façon dont il gouverne, la façon dont il a utilisé les institutions.

un exemple sur l’ère de la communication : On annonce à grand renfort de publicité que le président
de la république va au devant du peuple
( son déplacement à Savines le Lac) et qu’est ce que je vois? des gens qui manifestent et 4 ou 5 personnalités autour d’un lac, très loin, on vit dans un monde de l’image, on se dit « ce président qui va au contact des français et on fait tout pour qu’il n’y ait aucun contact » ( le problème c’est la distorsion entre le discours et l’image réelle désastreuse)
je suis frappé depuis de le début par la mauvaise communication du gouvernement, il ne sait pas communiquer parce qu’il n’écoute pas
70% des français refusent une loi, la constitution , il y a 2 lectures, la lecture présidentialiste parce qu’il y a concordance entre la majorité parlementaire et le président ( premier mandant le parti macroniste a la majorité absolue à l’assemblée) maintenant il n’y a plus de concordance puisqu’il n’y a plus de majorité absolue, dans ce cas le premier ministre a un rôle important il doit être choisi dans le monde politique ( ça doit être un pur politique pour établir des contacts avec les autres politiques et construire des accords, traduction il a choisi une technocrate et c’est une erreur politique).
Il y a toujours eu de la violence dans l’hémicycle, souvenez vous du débat sur l’IVG, sur le mariage pour tous, je pourrais multiplier, citer des exemples ou les député sont arrivés à des violences physiques.
sur les députés de la NUPES qui chantent et brandissent des pancartes quand Borne déclenche le 49.3 « non mais ça, c’est du folklore parlementaire » « essayer de bloquer les débats c’est pas nouveau »
( ça nous change des accusations proférées contre la NUPES qui veut transformer l’assemblée nationale en ZAD)
en démocratie où est la souveraineté? : c’est le peuple
je ne me prononcerai pas sur les retraites mais je suis fasciné par les débats, l’impréparation,
pendant le premier mandat c’était la retraite à points mais maintenant ce n’est plus la retraite à points
sur les femmes un ministre dit « oui les femmes vont être sanctionnées », 2 jours après on dit « non », alors ça a été prévu ou pas prévu?

on vous dit « il y a 1200 euros » ( puis ont ne sait pas combien de gens ça va concerner) on se rend compte que rien n’est préparé qu’est qu’ils ont foutu depuis 6 ans?
deuxième chose : la constitution, l’utilisation du 47.1 qui permet de passer en force combiné avec le 49.3 est une absurdité, ce n’est pas anticonstitutionnel mais c’est absurde, c’est une maladresse politique, il faut laisser les gens discuter , quand vous avez la nationalisation de GDF ( gaz de France) vous avez 143 000 amendements déposés par les socialistes, on laisse discuter on passe les amendements et puis c’est tout.

(ça nous change des accusations grotesques sur l’obstruction qui serait antidémocratique )
Après 5 ans il n’ont pas une pratique du parlement, ce sont des technocrates ils n’ont aucun sens politique.
Quand vous êtes au pouvoir vous êtes enfermé et le pouvoir est très anxiogène et vous avez autour de vous des courtisans, le dimanche, quand j’allais voir Jacques Chirac et que je rentrais dans son bureau il me disait  » ne me dis pas ce qui va bien, dis moi ce qui va mal » la force d’un président c’est d’être capable d’entendre un de ses amis lui dire ce qui ne va pas, à condition que la conversation
ne fuite jamais.
On est en plein crise des retraites le président parle
( son interview au JT de 13h00) et il est à côté de la plaque comme si personne ne l’avait informé sur la réalité.
Mitterrand et Chirac avaient de vieux compagnons, aujourd’hui Macron n’a autour de lui que des gens qui n’osent rien lui dire
La précipitation et le passage en force sont de mauvaises choses.
En démocratie le seul souverain c’est le peuple, lorsqu’il y a une crise, le président doit retourner devant le peuple, on peut changer le gouvernement, recourir à un référendum , prononcer la dissolution, possibilité de demander une deuxième lecture de la loi ( ce sont des pouvoirs propres du président)

article 5 de la constitution « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. » son rôle n’est pas de gouverner à la place du gouvernement.
Quand on passe à la hussarde on crée du rejet. On risque un divorce très profond entre le peuple et la classe politique.

Interview en intégralité

3 réflexions sur « Retraites et crise constitutionnelle : Le point de vue des dinosaures de la droite républicaine »

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